Palais universitaire, Observatoire, instituts de géologie, zoologie, physique et chimie1… Tous ces bâtiments du campus historique ont pour point commun d’être situés dans la Neustadt, quartier inscrit depuis juillet sur la liste du patrimoine mondial de l’Unesco. Mais au fait, qu’est-ce que cela change pour l’université, notamment pour la gestion de son patrimoine bâti ?
La Neustadt, à la fois lieu de vie (étudié par les chercheurs) et cadre de travail pour sa partie « campus historique », a rejoint en juillet dernier les biens listés au patrimoine mondial de l’Unesco. On peut logiquement se poser la question d’éventuelles contraintes qu’introduit ce classement…
À première vue, « il y en aura très peu, car nous travaillons déjà dans un cadre régi par un certain nombre de règlements d’urbanisme (Schéma de cohérence territoriale, volet patrimonial du Plan local d’urbanisme, Plan local d’urbanisme communautaire en cours d’élaboration) », indique-t-on à la Direction du patrimoine immobilier (DPI). Surtout, « le Palais universitaire et la serre Victoria (dans le Jardin botanique) étant protégés au titre des monuments historiques (depuis 1990 et 1993)2, nous sommes tenus de consulter l’Architecte des bâtiments de France (ABF) pour tout projet touchant au bâti dans un périmètre de 500 mètres autour de ces structures... » Soit la totalité du campus historique, comprise dans un rectangle comprenant les jardins historiques et les bâtiments l’entourant. Cet avis de l’ABF, consulté pour tout projet immobilier, n’est pas seulement consultatif. Il peut bloquer des travaux susceptibles de dénaturer l’environnement visible autour du bâtiment inscrit ou classé. Son accord est donc nécessaire à l’obtention des autorisations réglementaires. Pas question, par exemple, d’introduire des encadrements de fenêtres en PVC en lieu et place du bois, de peindre et dénaturer les façades en pierre ou de construire des volumes incohérents.
Plan de sauvegarde et de mise en valeur
« Annoncé dans le dossier de candidature déposé en 2016 auprès de l’Unesco, un Plan de sauvegarde et de mise en valeur (PSMV) est en cours d’élaboration, ajoute Dominique Cassaz, responsable de la mission Patrimoine de l’Eurométropole de Strasbourg. « Ce plan va plus loin que les prescriptions contenues dans le plan local d’urbanisme. Il dotera à terme les autorités locales chargées de la conservation des biens du secteur d’un cadre global doté de prescriptions cohérentes et harmonisées, poursuit la référente sur le dossier de candidature. Ce qui laissera forcément moins de place à une appréciation subjective, en particulier lors de l’instruction des permis de construire soumis à l’Architecte des bâtiments de France. » Ainsi, les prescriptions en matière de restauration des extérieurs pourraient se voir élargies à l’intérieur des bâtiments.
Dans sa mission de conservation et de valorisation, « l’Unesco valorise avant tout le patrimoine vivant, où la trace du passé coexiste harmonieusement avec le présent », ajoute la responsable de la mission Patrimoine de l’Eurométropole. « L’idée étant de ne pas figer les bâtiments dans une époque, des évolutions contemporaines visant par exemple à améliorer les performances énergétiques sont tout à fait possibles. En témoigne la spectaculaire métamorphose du hall de la Bibliothèque nationale et universitaire, faite dans le respect de l’héritage historique du bâtiment. » Dans le même esprit, « le classement au patrimoine mondial ne contraint pas à engager des travaux de remise à l’état d’origine, s’ils ne sont pas prévus », précise encore Dominique Cassaz, prenant pour exemple certains bas-reliefs antiquisants du Palais universitaire, aujourd’hui encore recouverts d’un badigeon. « En ce sens, classer un quartier comme la Neustadt, doté d’un campus toujours en activité, fait totalement sens au regard des objectifs affichés par l’Unesco. »
Elsa Collobert
1 L’Institut de chimie de la période allemande accueille actuellement la Faculté de psychologie.
2 Sur le campus Esplanade, la Faculté de droit est inscrite à l’inventaire des Monuments historiques
Quand l’université inventorie son patrimoine…
Non seulement une partie du campus universitaire strasbourgeois est comprise dans le périmètre récemment inscrit, mais l’université est encore associée de près à l’approfondissement des connaissances sur l’ensemble de son patrimoine historique. « C’est l’Observatoire astronomique qui, le premier (en 2004), a été l’objet d’un travail commun avec le Service régional de l’inventaire du patrimoine », explique Delphine Issenmann, chargée de collection au Jardin des sciences. Bâtiments, instruments scientifiques, patrimoine paysager, environnement urbain… Ce minutieux travail d’inventaire s’est depuis poursuivi pour tous ces éléments, « qui sont à envisager comme des poupées gigognes. Si l’on prend l’exemple de l’Observatoire astronomique : une lunette astronomique conçue spécialement pour le lieu, abritée sous une coupole conçue sur-mesure, dans un bâtiment dont le choix de l’emplacement n’a pas non plus été dicté par le hasard, tout comme celui du campus... »
Indispensables à l’alimentation des dossiers de candidature déposés auprès de l’Unesco ou encore du réseau des Villes d’art et d’histoire, ces données concourent de façon plus générale à une meilleure connaissance du patrimoine local. « Nous les partageons avec le public à travers des manifestations comme les Rendez-vous de la Neustadt ou les Journées du patrimoine. » Outre la conservation et la valorisation, la connaissance et la transmission sont justement affichés comme les objectifs de l’Eurométropole pour le quartier de la Neustadt.